Cent printemps d'incertitude 3





Depuis son admission dans notre sélect clan des chevaliers de l’Encrier, Fred le brave ne cesse de nous impressionner. Il rend hommage à ses tâches avec tant de zèle que nous songeons sérieusement à lui offrir une promotion. Ne sachant exactement comment rendre justice à la fidélité de notre nouvel ami et compagnon d’aventures, nous avons préféré attendre un peu. La suite des évènements nous guidera sûrement dans nos décisions.

Depuis son entrée dans notre groupe, Fred le Brave a réalisé plus de cent clichés des gens du quartier, accompagné Cathy-chien dans ses balades printanières autour du monde périlleux des bois et surtout réussi à suivre la trace imprévisible et téméraire de Mémé l’incorrigible dame au banjo disparu…

À plus de cent reprises, Mémé a perdu sa boîte à musique magique de l’Amérique du Sud et des îles. Plus de cent fois, nous avons dû remettre le foutu machin issu des cafés jazz de la Nouvelle-Orléans dans son boîtier. Plus de cent fois, nous avons remonté les cent morceaux éparpillés par Mémé dans le potager…

Nul ne peut expliquer ce phénomène. Mémé a la musique dans le sang. Aussi, pas question de petit déjeuner, dîner ou souper sans le fabuleux instrument à cordes de tous les souvenirs du monde de Mémé. Jamais ! Nom d’un caramel ! Plutôt me faire écartelée ! affirmait-elle.

Mémé rivalise avec Houdini pour les disparitions matinales, les crises de caramels à livrer par bateau à aubes jusqu’en Louisiane avant dix-huit heures, un lundi, le vingt-huit du mois de ce mois qui vient. Mémé est le dictateur de la cuisine au four des caramels du Nouveau-Bordeaux. Elle ne vit que pour sa musique et pour son usine artisanale. Son fils peut continuer sa carrière de général des trains de l’Amérique tant et aussi longtemps qu’il le désire, Mémé n’en a cure, nul ne peut la convaincre de prendre congé, ou même de s’accorder une petite sieste à l’ombre de mon grand saule. Non, Mémé travaille.

Mémé n’arrête jamais. Alors, le clan des chevaliers de l’Encrier se doit de l’occuper vingt - quatre heures sur vingt-quatre, du lundi au dimanche, du matin au soir... Aussi, nous avons décidé de nous relayer pour accompagner notre chère centenaire dans ses recherches professionnelles autour de la cuisine, autour du quartier, autour de la gare et même autour du bois de Cathy-Chien.

Le banjo étant complètement bousillé à la suite de toutes ses expériences de laboratoires, nous avons offert à Mémé un autre sujet de recherches musicales : un piano mécanique. Je ne sais pas si l’objet tiendra le coup. En moins de deux jours, Mémé lui a infligé une trentaine d’opérations aux cordes vocales et à ses étranges petits rouleaux bavards tels des perroquets colombiens de toutes les couleurs des mers du Sud…

Heureusement, le mois de mai arrive au galop. Nous amènerons Mémé dans le potager. Je n’ose imaginer la musique du jour et de la nuit que les topinambours devront apprendre à jouer afin de remporter l’ordre de la grande pastèque en caramel selon Mémé…

-- Cent printemps d’inquiétude forment un potager. Par ici les enfants. Il y a des machins à nettoyer. Nom d’un puceron ! À bas les mauvaises herbes ! Vive la scarlatine ! s’écria Mémé avant de disparaître à nouveau vers la forêt amazonienne…

À suivre…

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1. Illustration: Frida Kahlo. Autoportrait.






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Commentaires

  1. Vraiment bien cette suite
    c'est riche d'idées et d'inventions
    j'aime beaucoup.

    Superbe musique également *
    Bon dimanche.

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  2. Quels sont les effets de la scarlatine sur la couche de O zonarde ? Elle est hype Mémé !

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  3. >Eipho: Une suite difficile à suivre car le héros principal parle et court plus vite que son ombre...

    Merci de ton humour.

    >SIL: Nul ne sait à ce jour les effets catastrophiques de la scarlatine sur la lune et sur la couche O... Mais, Mémé se penche sur la question entre les tomates et les aubergines...

    Merci de ta poésie.

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