M ou la vie dans la montagne

 

La falaise

Quand j’ai écrit les pages suivantes, ou plutôt la plupart d’entre elles, je vivais seul, dans les bois, à un mille de tout voisin, dans une maison que j’avais construite moi-même, sur les rives de l’étang de Walden, à Concord, Massachusetts, et je gagnais ma vie uniquement par le travail de mes mains. J’ai vécu là deux ans et deux mois. À présent, je suis à nouveau en séjour dans la vie civilisée. Henri David Thoreau. Walden ou la vie dans les bois. Économie.

Lorsque je me mets devant l’écran de l’ordi pour écrire ces lignes, je ne vis pas seule, dans les bois, à un mille de toute civilisation. Non. Je ne réside pas dans une maison de bois de ma propre conception près de l’étang magique de Walden, à Concord, Massachusetts. Je ne gagne pas ma vie uniquement par le travail de mes mains. J’aimerais dire et écrire que je vis dans un tel environnement depuis deux ans et de deux mois ou même plus. À la suite de quoi, je détesterai préciser que je suis de retour dans la vie civilisée ?

Non. J’écris les prémisses de cette chronique sur le clavier fou de mon ordi régulier. Je suis dans mon atelier de travail singulier. Devant ma fenêtre, je vois les jaseurs de cèdres, les merles, les étourneaux et les moineaux déguster les merises de l’année. Je perçois la lumière matinale caresser les courbes velues des plants de tomates, des géraniums rouges, de la menthe poivrée, du romarin et de la ciboulette. Les relents du tilleul et des lilas taquinent mes sens. Le chat tigré se prélasse sur le banc de parc vert de la terrasse.

J’écris quelques lignes et je vois passer dans la fenêtre l’ombre mystérieuse d’un animal. Oui. Je ne rêve pas. C’est un chevreuil. La bête affolée tente désespérément de retrouver son chemin vers la forêt. Son chemin naturel étant les bois cachés de la montagne.

Oui. Voilà. Il me semble que cette chronique de vie que j’appellerai M ou la vie dans la montagne est pleinement justifiée. Je ne demeure pas à Walden, mais à Mont-Saint-Hilaire, au pied du mont Saint-Hilaire. Je côtoie le rat des champs et le rat de ville. Le bruit des voitures se mêle au le cri strident des faucons de la falaise. Je réalise la rareté et la richesse de cette situation. Je souhaite donc lui rendre justice en la saluant amicalement.

Depuis plusieurs mois, Le Québec navigue sur les conflits politiques et sociaux de tout acabit. Du conflit étudiant, à la corruption, à la collusion, à la création de la loi 78, à l’adoption de lois antidémocratique tant au gouvernement fédéral que provincial, le climat s’envenime, se dégrade. La terre québécoise bouillonne sous la colère. Le bruit des concerts de casseroles envahit les Francofolies, le Grand prix et toutes les rues du Québec.

Pour une période de temps indéterminée, lorsque la marmite sera pleine, je décrète le droit licite de m’évader, de m’épivarder dans les sentes, dans les bois, dans la montagne.

Sente de la falaise

Je ne construirai pas de maison de bois près d’un étang. Je me transformerai plutôt en petit escargot voyageur des sentes. Le sac à dos sera ma demeure pour les heures de cavales que j’effectuerai au gré des humeurs de dame nature. Mon étang préféré sera établi dans un endroit secret dans les sentes de la montagne. Je vivrai de mon imaginaire tout au long de cette balade estivale dans les profondeurs de la montagne.

Je reviendrai libérée des angoisses climatitopoliquesdémesurées dans mon antre que l’on dit civilisé pour vous raconter quelques histoires récoltées auprès du petit monde de la montagne…

Je vous raconterai bientôt mes dialogues avec les 77 nains de la falaise…

À suivre…

 

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